La durabilité face au mur de l’inflation
Les Assises de l’agriculture et de l’alimentation ont tenté de décrypter comment l’inflation rebat les cartes pour l’« assiette durable ».
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Les Assises de l’agriculture et de l’alimentation organisées par le journal Ouest-France se sont déroulées cette année à Saint-Brieuc. Des observateurs et acteurs de la filière ont tenté d’expliquer les difficultés imposées par l’inflation pour une alimentation plus durable. Alain Perrin, directeur du groupe coopératif Eureden, a rappelé la réalité à laquelle les agriculteurs engagés vers des schémas de production plus durables font face.
« La conversion en bio pour nos producteurs, ça prend au moins trois ans, un investissement dans un bâtiment d’élevage avec accès au plein air ou ouverture à la lumière du jour, ça s’amortit sur dix, quinze ans », a-t-il appuyé. Des efforts mis à mal par le détournement des consommateurs des produits les plus chers, notamment en œufs. « L’œuf issu de poules élevées en cage fait face à une demande extrêmement importante. Nos agriculteurs qui se sont engagés sur l’œuf alternatif se disent qu’ils auraient dû attendre pour aller vers cette voie », relate-t-il.
Charlie Brocard, chercheur sur la question à l’Iddri, regrette aussi que la pression pour plus de durabilité ne soit pas équilibrée. « Si on ne pense à la transition que du côté de la production et qu’on ne pense pas à construire un marché pour accueillir cette nouvelle production, alors il y aura un problème », prévient-il. Et d'ajouter, « on ne peut pas compter sur la restauration collective pour résoudre tous les problèmes de transition ou de la viabilité économique des fermes. C’est moins de 5 % des repas. Il faut donc taper dans le reste comme la restauration commerciale et la vente alimentaire à domicile. »
La grande distribution déçoit encore
L'agriculture biologique, aujourd’hui en crise, est naturellement très concernée par la conjoncture ambiante. Mais pour Jérôme Jacob, président de Bretagne Viande Bio, le prix n’est pas le seul catalyseur du détournement des consommateurs de la bio. N’étant pas optimistes pour les prochains mois, les enseignes adaptent d’ores et déjà leurs linéaires au détriment des produits de la filière.
« La grande distribution a tendance à anticiper le phénomène, ce qui aggrave la situation de crise et ça, ça fait très mal, insiste-t-il. Nous, nous sommes sur du temps long. » Et d’ajouter, « si demain la demande du consommateur ce n’est que du prix bas, moi producteur de porcs bio et tous mes collègues, on n’a plus rien à faire là », se lamente-t-il.
Quel est le prix du bio pendant l’inflation ? (31/10/2023)
Charlie Brocard met lui aussi en avant les responsabilités des distributeurs. « Aujourd’hui, les acteurs du milieu de la chaîne, notamment dans la grande distribution, ne sont pas encadrés ni même incités à avoir des pratiques en faveur de la durabilité, et d’une relation viable avec les acteurs de la chaîne. La grande distribution doit être mise face à ses responsabilités », recommande-t-il.
Les actions de l’État sont également trop restreintes pour le chercheur. « La majorité des actions menées par la puissance publique au niveau national sont des actions de type information ou éducation, mais on voit que ce n’est pas suffisant », souffle-t-il.
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